Conseil d’Etat, n°435982, Société CLEAN BUILDING, du 27 mai 2020,


Cet arrêt pose le principe qu’un requérant, candidat évincé à l’obtention d’un marché public est recevable à agir sur le fondement d’un référé pré contractuel ( art L 551-1 du CJA) en se prévalant de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire, même si son offre est elle-même irrégulière.

Par cette nouvelle approche, le Conseil d’État opère un revirement de jurisprudence. En effet, depuis l’arrêt « Smirgeomes » de 2008 (CE, Section, 3 octobre 2008, n°305420, publié au recueil Lebon), le requérant doit démontrer que les manquements qu’il invoque sont « susceptibles de le léser ». Dans ce cadre, le Conseil d’État jugeait en 2012 (CE, 11 avril 2012, n° 354652, mentionné aux tables du Recueil) que « le choix de l’offre d’un candidat irrégulièrement retenu est susceptible d’avoir lésé le candidat qui invoque ce manquement, à moins qu’il ne résulte de l’instruction que sa candidature devait elle-même être écartée, ou que l’offre qu’il présentait ne pouvait qu’être éliminée comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable. » Autrement dit, l’irrégularité de l’offre du requérant empêchait ce dernier d’obtenir l’annulation de la procédure. Ce n’est donc plus le cas.

Le Conseil d’État se conforme ainsi désormais à la jurisprudence européenne (CJUE, 5 septembre 2019, Lombardi, Aff. C-333/18). Et, comme le souligne Gilles Pellissier, rapporteur public, dans ces conclusions : cette nouvelle approche permet de « garantir l’effet potentiellement utile du recours qui est à la fois d’éviter que le contrat soit attribué à une offre irrégulière et de donner une chance aux candidats évincés de présenter de nouvelles offres régulières dans le cadre d’une nouvelle procédure régulière, rétablissant ainsi les conditions d’une égale concurrence. »

Marché public et autoévaluation des critères de sélection des offres : Conseil d’Etat, n°418460, du 22 novembre 2019, Société AUTOCARS FAURE.


L’autoévaluation des candidats sur les critères de sélection est possible si et seulement si le résultat de cette auto-évaluation est vérifiable par l’acheteur public au stade de l’analyse des offres, et non pas en cours d’exécution du contrat.

 

Cet arrêt apporte deux enseignements de taille :

 

  • Tout d’abord, elle apporte une mise en application de la jurisprudence Commune de Belleville-sur-Loire selon laquelle une méthode de notation (définie librement par l’acheteur public et quelque ce soit le montant du marché) est irrégulière si elle prive de portée utile les critères ou sous-critères ou neutralise leur pondération.

 

En l’espèce, les Juges de palais royal indiquent que l’autoévaluation par les candidats, méthode de notation qui avait été choisie par le département de l’Isère, est une méthode de notation illégale, privant de portée utile les critères ou sous-critères en ce que le  résultat de cette autoévaluation n’est pas vérifiable ou vérifiée par l’acheteur au stade de l’analyse des offres.

 

 

  • Le deuxième apport de cet arrêt réside dans la réaffirmation de la distinction irréductible entre critères de sélection des offres et conditions d’exécution d’un marché.

 

En l’espèce, le Conseil d’État  sanctionne le fait que l’acheteur public entendait établir la note issue de l’autoévaluation comme référence pour la détermination de la note annuelle « qualité » et le calcul d’éventuelles pénalités en cas de manquement à cet engagement.

 

 

L’autoévaluation par le candidat est régulière si la note « choisie » est vérifiable par l’acheteur public au stade des offres, et non pas en cours d’exécution du contrat.

 

 

 

Sylvain SALLES

Avocat associé

Spécialiste en droit public, droit de la commande publique

Le Conseil d’État, 6 mai 2019, n°420765


Appel en garantie et décompte général et définitif

Le Conseil d’État précise les effets du caractère définitif du décompte sur la recevabilité de l’appel en garantie contre le titulaire d’un marché public.

Il rappelle que « l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l’établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L’ensemble des conséquences financières de l’exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu’elles ne correspondent pas aux prévisions initiales » (CE, 6 nov. 2013, n° 361837, Région Auvergne).

Toutefois, admet le Conseil d’État, « la circonstance que le décompte général d’un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d’appel en garantie du maître d’ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s’il est établi que le maître d’ouvrage avait eu connaissance de l’existence du litige avant qu’il n’établisse le décompte général du marché et qu’il n’a pas assorti le décompte d’une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige ».

Le Conseil d’Etat, 6 mai 2019, N°418482


Exceptions au principe de non-rétroactivité d’une admission à la retraite

Le Conseil d’état précise les exceptions au principe d’illégalité d’une décision d’admission à la retraite rétroactive.

Il relève que les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l’avenir. Et, en l’absence de disposition législative l’y autorisant, l’administration ne peut, même lorsqu’elle est saisie d’une demande de l’intéressé en ce sens, déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision d’admission à la retraite. A moins, reconnaît le Conseil d’État, « qu’il ne soit nécessaire de prendre une mesure rétroactive pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d’âge, pour placer l’agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité».

En l’espèce, après avoir relevé que Mme A. avait été placée en congé de maladie du 1er octobre 2010 au 28 février 2015, le tribunal administratif s’est fondé sur la seule circonstance que l’administration n’avait pu statuer de manière définitive avant le 1er septembre 2014 sur la demande d’admission à la retraite de la requérante pour considérer que l’arrêté du 3 février 2015 prononçant cette admission à compter du 1er septembre 2014 devait être regardé comme présentant le caractère d’une mesure de régularisation de sa situation administrative au regard de ses droits à pension et n’était ainsi pas entaché d’une rétroactivité illégale.

« En statuant ainsi, le tribunal a commis une erreur de droit, dès lors que l’application rétroactive de cet arrêté n’était pas nécessaire pour placer l’intéressée, qui était en congé de maladie pour maladie professionnelle durant la période en cause, dans une situation régulière », juge le Conseil d’État.

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