Précisions sur l’offre anormalement basse et la détermination préalable des besoins dans le cadre d’un contrat de concession


Par un arrêt rendu le 26 février 2020[1], le Conseil  d’État a apporté des précisions quant à l’application de l’offre anormalement basse aux contrats de concessions, ainsi qu’à la marge d’appréciation laissée à l’autorité concédante pour déterminer préalablement ses besoins. En effet, les juges du Palais Royal ont pu juger que la prohibition des offres anormalement basses n’était pas applicable aux contrats de concession. Plus encore, la Haute juridiction a considéré que l’autorité concédante, lorsqu’elle estime qu’elle est susceptible de commander des prestations supplémentaires au cours de l’exécution du contrat de concession, sans pour autant en déterminer le volume exact, peut fixer un critère d’appréciation fondé sur la comparaison entre des prix unitaires proposés par les candidats.

 

Rappel des faits

Le 11 février 2019, par un avis d’appel public à la concurrence, la commune de Saint-Julien-en-Genevois a lancé une procédure de concession de services portant sur la mise à disposition, l’installation, la maintenance, l’entretien et l’exploitation commerciale d’abris voyageurs et de mobiliers urbains. Deux entreprises ont candidaté et ont été admises à concourir : JCDecaux et la société Girod Médias. Suite à la phase de négociation et à l’analyse des offres, la commune a choisi d’attribuer le contrat de concession à la société Girod Médias.

La société JCDecaux a alors formé un référé précontractuel devant le tribunal administratif de Grenoble, lequel a rendu une ordonnance en date du 15 novembre 2019.  Le juge des référés annulait la procédure de passation de la concession et enjoignait à la commune de Saint-Julien-en-Genevois de reprendre la procédure de passation au stade de l’analyse des candidatures.

L’autorité concédante a donc formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat, demandant l’annulation de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble. La juridiction du Palais Royal a censuré l’ordonnance du juge du référé précontractuel.

 

L’inapplication des offres anormalement basses aux concessions

La société évincée, JCDecaux, soutenait que l’offre de la Société Girod Médias était anormalement basse. Le Conseil d’État rappelle que le régime des concessions diffère de celui des marchés publics. Si les offres anormalement basses sont prohibées en matière de marchés publics[2],  la Haute Juridiction dispose que : « La prohibition des offres anormalement basses et le régime juridique relatif aux conditions dans lesquelles de telles offres peuvent être détectées ou rejetées ne sont pas applicables, en tant que tels, aux concessions. »

Cette solution n’est pas illogique, en ce qu’aucune disposition du Code de la commande publique ne prohibe les offres anormalement basses s’agissant des concessions.

Une large prérogative laissée à l’autorité concédante s’agissant de la définition préalable du besoin

La commune de Saint-Julien-en-Genevois avait prévu, dans le cadre de la passation du contrat de concession,  un critère de jugement des offres qui portait sur le coût d’achat de prestations complémentaires. Ces prestations étaient évaluées sur la base du prix unitaire que les candidats devaient indiquer dans le tableau figurant en annexe du cahier des charges de la concession.

Pour annuler la procédure de passation du contrat de concession, le juge des référés s’était fondé sur le fait que le règlement de consultation mentionnait la possibilité de commander des prestations supplémentaires, sans pour autant fixer des limites quantitatives pour ces prestations.

Si la détermination préalable des besoins de l’acheteur est fixée par l’article L3111-1 du Code de la commande publique[3], le Conseil d’État semble adopter une vision souple de ce principe. En effet, la Haute Juridiction considère qu’il est possible pour une autorité concédante, lorsqu’elle estime qu’elle pourrait être placée dans la nécessité de commander des prestations supplémentaires au cours de l’exécution du contrat, sans être en capacité d’en déterminer le volume exact, de fixer un critère d’appréciation des offres fondé sur la comparaison entre des prix unitaires fixés par les candidats pour ces prestations.

Ainsi, la juridiction administrative a annulé l’ordonnance du juge des référés précontractuels pour erreur de droit.

La vision adoptée par le Conseil d’État dans son arrêt rendu le 26 février 2020 semble être à contre-courant de sa jurisprudence antérieure. A titre d’exemple, la Haute Juridiction avait censuré la procédure de passation d’une concession dont le périmètre et le montant des investissements manquaient de précisions. Elle avait alors estimé que la détermination préalable des besoins de l’acheteur était insuffisante[4].

Cette jurisprudence, plutôt inédite,  est donc amplement favorable aux acheteurs… au détriment des candidats.

[1] Conseil d’Etat, 26 février 2020, Commune de Saint-Julien-en-Genevois, n°436428

[2] Articles L2152-5 et suivants du Code de la commande publique

[3] Article L3111-1 du Code de la commande publique : « La nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. »

[4] Conseil d’Etat, Commune du Havre, 15 novembre 2017, n°412644

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