Les offres anormalement basses sont toujours un sujet sensible lors d’un appel d’offre, et le secteur du sport ne fait pas exception. Une offre peut être qualifiée d’anormalement basse si son prix ne correspond pas à une réalité économique. Le rejet de l’offre au motif qu’elle est anormalement basse doit, dans tous les cas, être motivé. Mais tout n’est pas si simple. Explications.
Le Nouveau Code de la commande publique, entré en vigueur le 1er avril 2019, dispose en son article L. 2152-5 : “Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement
sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché.”L’article L 2152-6 développe quant à lui les démarches que l’acheteur public doit mettre en œuvre, dès lors qu’il rencontre
une telle situation. En effet, il est prévu
que “L’acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. Lorsqu’une offre semble anormalement basse, l’acheteur exige que l’opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. Si, après vérification des justifications fournies par l’opérateur économique, l’acheteur établit que l’offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.”
Le Conseil d’État a jugé qu’une offre sans aucune marge bénéficiaire ne doit pas automatiquement être considérée comme étant anormalement basse
Le comportement que l’acheteur public doit adopter
Ainsi, le Code de la commande publique, dans la droite ligne de la jurisprudence antérieure et des dispositions textuelles du Code des marchés publics anciennement
en vigueur, reprend le même “protocole” à adopter par l’acheteur public, en quatre étapes itératives : la détection, la demande d’explication au candidat concerné, l’appréciation de la pertinence
des explications, et enfin l’admission ou le rejet de l’offre. Ces étapes préconisées par les textes sont reprises à la partie réglementaire du Code de la commande publique, aux articles
R. 2152-3 à R. 2152-5. Ainsi, d’un point de vue textuel, le Code de la commande publique ne modifie pas sur le fond, ni sur la forme, la définition de l’offre anormalement
basse, ni même le comportement que l’acheteur public doit adopter.
En effet, il s’en remet à la définition jurisprudentielle qui a été posée par le Conseil d’État, le 23 mai 2013, dans son arrêt du Conseil d’État (n° 366606 du Ministère de l’Intérieur c/ société ARTEIS).
La problématique de l’offre sans marge et de l’écart de prix important entre deux offres
En revanche, ce qui est intéressant d’analyser et de relever, ce sont les nouveaux éclairages que le Juge administratif a donnés sur les critères de la détection de l’offre anormalement basse.
En effet, à raison de plusieurs jurisprudences, l’on ne peut que faire le constat que le Juge administratif ne facilite pas le travail d’analyse de l’acheteur public quant à la détection de l’OAB (Offre anormalement basse). En effet, le Conseil d’État a jugé qu’une offre sans aucune marge bénéficiaire ne doit pas automatiquement être considérée comme étant anormalement basse (Conseil d’État, 22 janvier 2018, n° 414860, commune de VITRY-LE-FRANÇOIS).
Ainsi, il aurait été aisé de considérer que dès lors que le prix ne contient pas de marge bénéficiaire, celui-ci doit être assimilé à un coût de revient, et aurait pu éventuellement être considéré comme anormalement bas. Il n’en a pas été ainsi. De la même manière, dès lors que l’acheteur public constate un écart de prix considérable effectivement entre deux offres, cela ne suffit pas à caractériser à lui seul une offre anormalement basse (Conseil d’État, 18 juillet 2018, n° 417421, Société SERVICES THERMI SANI).
Une offre qui s’apprécie au regard de son prix global
Enfin et surtout, dans le cadre d’une décision du 13 mars 2019 (Conseil d’État, 13 mars 2019, n° 425191, Société SEPUR), le Conseil d’État a effectivement posé la règle selon laquelle le prix anormalement bas d’une offre s’apprécie non pas au regard des différentes lignes de prix (du BPU par exemple), mais au regard de son prix global, selon une approche holistique.
Ainsi, le Conseil d’État a précisé que l’existence d’un prix paraissant anormalement bas, au sein de l’offre d’un candidat, pour l’une seulement des prestations faisant l’objet du marché, n’implique pas à elle seule le rejet de son offre comme anormalement basse, y compris lorsque cette prestation fait l’objet d’un mode de rémunération différent, ou d’une sous-pondération spécifique au sein du critère prix.
Ainsi, le Conseil d’État considère qu’il doit être pris en compte l’offre globale de prix pour juger que l’offre est anormalement basse, et ne pas faire une approche à petite échelle de chaque élément de prix. Le prix anormalement bas d’une offre s’apprécie, en effet, au regard de son prix global. Par conséquent, l’acheteur public devra effectivement avoir une approche non pas par lignes de prix, mais devra estimer si le montant global de l’offre n’est pas “manifestement sous-évalué, ni de nature à compromettre la bonne exécution du marché”. Évidemment, nous pouvons considérer que cette approche apparaît, d’un point de vue économique, cohérente dès lors que ce n’est pas parce qu’un candidat décide de ne pas facturer une prestation, par exemple que son offre financière n’est pas économiquement viable.
Un travail d’analyse loin d’être facile
Cela dit, encore une fois, cette évolution jurisprudentielle ne facilite pas, et va plutôt néanmoins compliquer le travail d’analyse des acheteurs, dès lors qu’il leur appartiendra de déterminer pour chaque cas d’espèce si la ou les prestations, par exemple non facturées, sont essentielles à la bonne exécution du contrat, et si son absence de chiffrage par un opérateur économique est susceptible de compromettre, dans sa globalité ou pas, la bonne exécution des prestations proposées.
Les offres anormalement basses seront dès lors anormalement difficiles à détecter !