Cet arrêt pose le principe qu’un requérant, candidat évincé à l’obtention d’un marché public est recevable à agir sur le fondement d’un référé pré contractuel ( art L 551-1 du CJA) en se prévalant de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire, même si son offre est elle-même irrégulière.
Par cette nouvelle approche, le Conseil d’État opère un revirement de jurisprudence. En effet, depuis l’arrêt “Smirgeomes” de 2008 (CE, Section, 3 octobre 2008, n°305420, publié au recueil Lebon), le requérant doit démontrer que les manquements qu’il invoque sont « susceptibles de le léser ». Dans ce cadre, le Conseil d’État jugeait en 2012 (CE, 11 avril 2012, n° 354652, mentionné aux tables du Recueil) que “le choix de l’offre d’un candidat irrégulièrement retenu est susceptible d’avoir lésé le candidat qui invoque ce manquement, à moins qu’il ne résulte de l’instruction que sa candidature devait elle-même être écartée, ou que l’offre qu’il présentait ne pouvait qu’être éliminée comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable.” Autrement dit, l’irrégularité de l’offre du requérant empêchait ce dernier d’obtenir l’annulation de la procédure. Ce n’est donc plus le cas.
Le Conseil d’État se conforme ainsi désormais à la jurisprudence européenne (CJUE, 5 septembre 2019, Lombardi, Aff. C-333/18). Et, comme le souligne Gilles Pellissier, rapporteur public, dans ces conclusions : cette nouvelle approche permet de “garantir l’effet potentiellement utile du recours qui est à la fois d’éviter que le contrat soit attribué à une offre irrégulière et de donner une chance aux candidats évincés de présenter de nouvelles offres régulières dans le cadre d’une nouvelle procédure régulière, rétablissant ainsi les conditions d’une égale concurrence.”